Page:Œuvres de Spinoza, trad. Saisset, 1861, tome I.djvu/50

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telligences obscurcies il faut la lumière des démonstrations. Les âmes philosophiques n’en ont pas besoin tout mode est pour elles la manifestation d’un attribut infini, qui manifeste lui-même une Substance infinie, de façon que si cette Substance n’existait pas, il n’y aurait rien. Aller du mode à l’attribut et de l’attribut à la Substance, revenir de la Substance à ses attributs et de ses attributs aux modes qui les manifestent, monter et redescendre sans cesse cette échelle sans se séparer un instant de ce qui en soutient tous les degrés, voilà le mouvement naturel d’une âme philosophique. Dieu est donc la condition immédiate de toute existence réelle, de toute pensée distincte. Quiconque pense, pense Dieu quiconque affirme, affirme Dieu.

L’athéisme n’existe pas ; celui qui déclare qu’il doute de l’existence de Dieu n’en a dans la bouche que le nom[1]. On peut vivre dans l’oubli de Dieu, mais on ne peut penser à Dieu et à la fois nier Dieu ; ce serait penser hors des conditions de la pensée. Prouver l’existence de Dieu, c’est ramener une âme à elle-même, c’est y réveiller une idée pour un temps évanouie, et Spinoza pense, comme Platon, que l’athéisme est une maladie de l’âme plutôt qu’une erreur de l’intelligence.

Spinoza abonde en fortes paroles sur l’incontestable certitude de l’existence de Dieu. Personne n’a développé avec plus de hardiesse et de confiance l’argument célèbre qui déduit l’existence réelle

  1. De la Réforme de l’Entendement, tome III, page 301, note 2. — Comp. Éthique, part. 1, Scholie 2 de la Propos. 8.