Page:Œuvres de Spinoza, trad. Saisset, 1861, tome I.djvu/38

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mais qui est l’Infini même, l’Infini absolu, l’Infini infiniment infini.

La Substance a donc nécessairement des attributs, une infinité d’attributs, et chacun de ces attributs est infini dans son genre. Or un attribut infini a nécessairement des modes. Que serait-ce en effet que la Pensée sans les idées qui en expriment et en développent l’essence ? que serait-ce que l’Étendue sans les figures qui la déterminent, sans les mouvements qui la diversifient ? La Pensée et l’Étendue ne sont point des universaux, des abstraits, des idées vagues et confuses ; ce sont des manifestations réelles de l’Être ; et l’Être n’est point quelque chose de stérile et de mort, c’est l’activité, c’est la vie. De même donc qu’il faut des attributs pour exprimer l’essence de la Substance, il faut des modes pour exprimer l’essence des attributs ; ôtez les modes de l’attribut, et l’attribut n’est plus, tout comme l’Être cesserait d’être, si les attributs qui expriment son être étaient supposés évanouis.

Les modes sont nécessairement finis ; car ils sont multiples. Or si chacun d’eux était infini, l’attribut dont ils expriment l’essence n’aurait plus un genre unique et déterminé d’infinité ; il serait l’Infini en soi, et non tel ou tel infini ; il ne serait plus l’attribut de la Substance, mais la Substance elle-même. Le mode ne peut donc exprimer que d’une manière finie l’infinité relative de l’attribut, comme l’attribut ne peut exprimer que d’une manière relative, quoique infinie, l’absolue infinité de la Substance.

Mais l’attribut est néanmoins infini en lui-même, et l’infinité de son essence doit se faire reconnaître dans ses manifestations. Or, supposez qu’un attribut de la