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elle est une manifestation de l’Être. La Pensée est donc infinie. Mais la Pensée n’est pas l’Étendue, qui est aussi une manifestation de l’Être et par conséquent un autre attribut de la Substance. De même, l’Étendue n’est pas la Pensée. La Pensée et l’Étendue sont donc infinies, mais d’une infinité relative, parfaites, mais d’une perfection déterminée ; elles sont donc, pour ainsi parler, parfaites et infinies d’une perfection imparfaite et d’une infinité finie.

La Substance seule est l’Infini en soi, le Parfait en soi, l’Être plein et absolu. Or, il ne suffit pas que chaque attribut de la Substance en exprime, par son infinité relative, l’absolue infinité ; il faut, pour exprimer absolument une infinité vraiment absolue, non-seulement des attributs infinis, mais une infinité d’attributs infinis. Si un certain nombre, un nombre fini d’attributs infinis, exprimait complétement l’essence de la Substance, cette essence ne serait donc pas infinie et inépuisable ; il y aurait en elle une limite, une négation, sinon dans chacune de ses manifestations prise en elle-même, au moins dans sa nature et dans son fond. Or, il y a contradiction que le fini trouve place dans ce qui est l’Infini même, et que quelque chose de négatif puisse pénétrer dans ce qui est l’absolu positif, l’Être. Ce qui n’est infini que d’une manière déterminée n’exclut pas, mais au contraire implique quelque négation ; mais l’Infini absolu implique au contraire la négation de toute négation. Tout nombre, si prodigieux qu’on voudra, d’attributs infinis est donc infiniment éloigné de pouvoir exprimer l’essence infinie de la Substance, et il n’y a qu’une infinité d’attributs infinis qui soit capable de représenter d’une manière adéquate une nature qui n’est pas seulement infinie,