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sophe devra prendre possession de cette idée par une définition exacte, et y rattacher par des liens étroits le système entier des idées. C’est alors que l’esprit humain reproduira dans l’ordre de ses conceptions l’ordre même des choses, et que la science sera épuisée.


Spinoza tient en main l’idée fondamentale de sa philosophie, l’idée de l’Être infini et parfait, et il s’est donné une méthode infaillible à ses yeux pour en tirer la résolution de tous les problèmes. Que lui manque-t-il donc pour se mettre à l’œuvre ? rien sans doute ; mais le scepticisme l’arrête et lui demande s’il ne craint pas de fonder la science sur une chimère, la chimère de l’Être parfait. Toute sa philosophie va découler d’une idée première ; qui l’assure que cette idée est vraie ? Or, si elle n’est pas vraie, sa philosophie ne sera qu’un tissu régulier d’illusions.

Il ne faut pas croire que Spinoza s’arrête long-temps à discuter cette objection. Esprit vigoureux et plein de sève, ardent à la recherche du vrai, passionné pour les systèmes, profondément pénétré de la puissance de la raison, Spinoza ne pouvait avoir pour le scepticisme que de l’indifférence ou du dédain.

« On ne peut pas parler de science avec un sceptique, mais seulement d’affaires[1]. »

« Le véritable rôle d’un sceptique, c’est d’être muet. »

« Entre un sceptique et un automate, où est la différence ? »

Spinoza recherche ensuite très-sérieusement l’origine du scepticisme, et il résout la difficulté qu’il s’est pro-

  1. De la Reforme de l’Entendement, tome III, page 314.