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formant une idée claire et distincte d’un certain mode de l’étendue, je le conçois dans sa cause immédiate, savoir, l’étendue infinie et divine. Il y a bien là une sorte de déduction, mais rapide comme l’éclair, et si soudaine et si lumineuse qu’elle ressemble à une intuition. L’effet, sa cause, leur rapport, l’esprit saisit tout cela comme d’un seul trait.

Au second degré, qui est le comble et la perfection de la pensée, l’esprit atteint directement ce qui est, non plus dans sa cause, mais en soi. C’est ainsi que nous concevons la Substance, la Perfection, Dieu. Il n’y a ici aucun mouvement dans la pensée, aucun obstacle, aucun intermédiaire entre elle et son objet. L’immédiation est absolue. Le sujet et l’objet de la connaissance se touchent et s’identifient dans un acte indivisible.

Voilà le type, l’idéal de l’intuition immédiate. Le premier degré n’est qu’un échelon pour s’élever à celui-là, qui seul achève et accomplit la connaissance.

Après avoir décrit les différentes espèces de perceptions, Spinoza examine tour à tour leur valeur scientifique. L’expérience, sous sa double forme, ne peut fournir une connaissance philosophique ; car elle donne des images confuses, et le philosophe cherche des idées ; elle n’atteint que les accidents des choses, et la science néglige l’accident pour s’attacher à l’essence. L’expérience est donc absolument proscrite sans restriction et sans réserve, du domaine de la métaphysique[1].

La connaissance du second genre est moins sévèrement traitée, parce qu’elle conduit à l’intuition immédiate. Toutefois, ce genre de perception n’est pas celui

  1. De la Réforme de l’Entendement, tome III, pages 306, 307. Voyez aussi Lettre à Simon de Vries, tome III, pag. 378.