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premier nombre par le quatrième est égal au produit du troisième par le second ; mais ils ne voient point la proportionnalité adéquate des nombres donnés, ou, s’ils la voient, ils ne la voient point par la vertu de la proposition d’Euclide, mais bien par intuition et sans faire aucune opération.

Le plus haut degré de la connaissance consiste donc dans l’intuition immédiate d’une vérité évidente d’elle-même, dans ce coup d’œil instantané par lequel l’esprit, sans effort, sans obstacle, sans intermédiaire, saisit son objet, l’embrasse tout entier, et s’y repose en quelque sorte dans une lumière sans mélange et dans une parfaite sérénité.

Spinoza donne divers exemples de ce mode supérieur de la connaissance, et quelques-uns peuvent paraître mal choisis : « Nous savons, dit-il, d’une perception immédiate, que 2 et 3 font 5 ; qu’étant donnés les nombres 1 : 2 : : 3 :, le quatrième nombre proportionnel est 6 ; enfin, que deux lignes parallèles à une troisième sont parallèles entre elles. »

Il semble que cette dernière vérité peut se prouver par le raisonnement et a même besoin de l’être. Ce n’est donc pas une vérité immédiate. Et de là on pourrait conclure que Spinoza ne s’est point formé une idée parfaitement claire du procédé de l’intuition immédiate, et qu’à l’exemple de beaucoup d’autres profonds logiciens, il a confondu le raisonnement et la raison.

Mais il n’en est rien. Spinoza reconnaît deux degrés dans l’intuition immédiate, et cette distinction est aussi claire que juste et profonde. À son premier degré, la raison perçoit les objets, non pas encore en eux-mêmes, mais dans leur cause immédiate. Par exemple, en me