Page:Œuvres de Spinoza, trad. Saisset, 1861, tome I.djvu/23

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sion tout intellectuelle aura ce privilége qu’elle se laissera partager sans s’affaiblir.

Le problème fondamental de la vie humaine est donc celui-ci : par quels moyens l’âme peut-elle atteindre l’Être infini et éternel dont la connaissance doit combler tous ses désirs ? Spinoza porte ici un regard attentif sur la nature de l’entendement humain, et il esquisse une théorie des degrés de la connaissance, un peu embarrassée au premier aspect, mais très-simple en réalité.

On peut ramener toutes nos perceptions à quatre espèces fondamentales[1] : la première est fondée sur un simple ouï-dire, et en général sur un signe. La seconde est acquise par une expérience vague, c’est-à-dire passive, et qui n’est pas déterminée par l’entendement. La troisième consiste à concevoir une chose par son rapport à une autre chose, mais non pas d’une manière complète et adéquate. La quatrième atteint une chose dans son essence ou dans sa cause immédiate.

Ainsi, au plus bas degré de la connaissance, Spinoza place ces croyances aveugles, ces tumultueuses impressions, ces images confuses dont se repaît le vulgaire. C’est le monde de l’imagination et des sens, la région de l’opinion et des préjugés. Spinoza y trace une division, mais à laquelle il n’attribue que peu d’importance, puisqu’il réunit dans l’Éthique, sous le nom de connaissance du premier genre[2], ce qu’il a distingué dans la Réforme de l’entendement en perception par simple ouï-dire et perception par voie d’expérience vague. Je sais par simple ouï-dire quel est le jour de ma naissance, quels furent mes parents, et autres choses semblables. C’est

  1. De la Réforme de l’Entendement, tome III, page 303.
  2. Éthique, part. 2, Schol. de la Propos. XL.