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prendre. En face des passions, telles que l’amour, la haine, la colère, l’envie, la vanité, la miséricorde, et autres mouvements de l’unie, j’y ai vu, non des vices, mais des propriétés qui dépendent de la nature humaine, comme dépendent de la nature de l’air le chaud, le froid, les tempêtes, le tonnerre, et autres phénomènes de cette espèce, lesquels sont nécessaires, quoique incommodes, et se produisent en vertu de causes déterminées par lesquelles nous nous efforçons de les comprendre. Et notre âme, en contemplant ces mouvements intérieurs, éprouve autant de joie qu’au spectacle des phénomènes qui charment les sens[1]. »

L’ambition de Spinoza serait donc de se tenir à égale distance des utopistes et des empiriques, entre Morus et Machiavel ; il voudrait satisfaire à la fois la raison qui seule donne de vrais principes, et l’expérience qui les met à l’épreuve des faits.

Quelle est pour la science politique l’idée fondamentale, celle de qui dépendent toutes les autres ? c’est l’idée du droit. Spinoza cherche l’origine de cette idée et, pour la découvrir, il remonte jusqu’à Dieu. Dieu, c’est la Substance, l’être universel, l’universelle activité. Par conséquent, cette puissance en vertu de laquelle chaque être de la nature existe et agit n’est autre chose que la puissance même de Dieu.

Cela est vrai de l’homme tout aussi bien que du reste des êtres. « La plupart des philosophes, dit Spinoza, s’imaginent que les ignorants, loin de suivre l’ordre de la nature, le violent au contraire, et ils conçoivent les hommes dans la nature comme un État dans un État. À

  1. Traité politique, chap. I, art. 4, page 339 de notre tome II.