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meuse Éthique, la communiquant à quelques amis, mais ne voulant pas la publier, de crainte de troubler inutilement son repos. C’est dans ce livre étrange que son idée, longtemps couvée, avait pris sa forme définitive. Eût-il vécu cinquante ans de plus, on ne conçoit pas qu’il eût voulu y changer une syllabe. Étudions tout à notre aise ce grand et étrange monument, en groupant autour de lui les autres parties de l’œuvre de Spinoza.

II.


la méthode de spinoza.


J’ouvre l’Éthique, et au lieu d’un discours ordinaire et familier, comme en écrivait Descartes, je trouve des définitions, des axiomes, des postulats, et puis une série de propositions, corollaires et scholies. Pourquoi cette forme mathématique ?

D’excellents esprits, notamment Hemsterhuis[1], ont reproché à Spinoza d’avoir embarrassé ses lecteurs et de s’être accablé lui-même de cet appareil de géométrie, où la rigueur de la forme, souvent plus apparente que réelle, unie à la sécheresse et à la complication des formules, fatigue, éblouit, décourage la pensée, au lieu de l’éclairer et de la soutenir.

Nous sommes fort éloigné de vouloir sur ce point justifier Spinoza ; tout au contraire, il nous semble que si le reproche qu’on lui adresse est juste, loin d’être trop sévère, il ne l’est pas encore assez.

Ce reproche, en effet, ne va pas au fond des choses. L’ordre géométrique que suit Spinoza, ce n’est point,

  1. Lettre à Jacobi. Voyez Jacobi’s Werke, tome IV, page 166.