Page:Œuvres de Spinoza, trad. Saisset, 1861, tome I.djvu/15

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tout ce qu’il fallait pour soutenir le corps languissant et chétif où habitait cette pensée puissante. Colerus décrit Spinoza très-faible de corps, malsain et attaqué de phthisie depuis sa jeunesse. C’était un homme de moyenne taille ; il avait les traits du visage bien proportionnés, la peau un peu noire, les cheveux frisés et noirs, les sourcils longs et de même couleur, de sorte qu’à sa mine on le reconnaissait aisément pour être descendu des juifs portugais. Pour ce qui est de ses habits, il en prenait fort peu de soin, disant qu’il est contre le bon sens de mettre une enveloppe précieuse à des choses de néant ou de peu de valeur.

« Si sa manière de vivre était fort réglée, sa conversation n’était pas moins douce et paisible. Il savait admirablement bien être le maître de ses passions. On ne l’a jamais vu ni fort triste ni fort joyeux. Il savait se posséder dans sa colère et dans les déplaisirs qui lui survenaient il n’en paraissait rien au dehors. Il était, d’ailleurs, fort affable et d’un commerce aisé ; il parlait souvent à son hôtesse, particulièrement dans le temps de ses couches, et à ceux du logis, lorsqu’il leur survenait quelque affliction ou maladie ; il ne manquait point alors de les consoler, et de les exhorter à souffrir avec patience des maux qui étaient comme un partage que Dieu leur avait assigné. Il avertissait les enfants d’assister souvent au service divin, et leur enseignait combien ils devaient être obéissants et soumis à leurs parents. Lorsque les gens du logis revenaient du sermon, il leur demandait souvent quel profit ils y avaient fait, et ce qu’ils en avaient retenu pour leur édification. »

« Il avait, poursuit Colerus, une grande estime pour mon prédécesseur, le docteur Cordes, qui était un