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son, qui a tort ? Grave alternative, à laquelle se rattachent les plus difficiles problèmes de notre temps, et qui ne peut évidemment être tranchée qu’après une étude approfondie de toutes les pièces du procès.

I.


la personne de spinoza.


Commençons par caractériser l’homme dans Spinoza pour mieux comprendre le philosophe. Prions un de ses contemporains, un ministre de l’Église luthérienne, le pieux, l’exact, l’honnête Colerus, de nous introduire auprès de lui. Transportons-nous sur le Pavilioengragt, à la Haye, et entrons dans la maison de Van der Spyck, où habite Spinoza. Que fait-il, sans famille, sans culte, sans appui extérieur, dans cette cellule prise sur l’étroite demeure de pauvres gens ? Il passe le temps, dit son hôte, à étudier et à travailler à ses verres. En effet, Spinoza, chassé de la synagogue, exilé de sa patrie, pauvre et décidé à ne dépendre de personne, avait appris un art mécanique, en quoi, du reste, il demeurait fidèle aux traditions de sa religion et de sa famille. L’art qu’il choisit fut celui de faire des verres pour des lunettes d’approche. Il était bon opticien, dit quelque part Leibnitz, se taisant discrètement sur le reste.

Mais Spinoza n’avait pas besoin d’être si habile pour gagner sa vie. C’est une chose incroyable, s’écrie le bon Colerus, combien Spinoza était sobre et bon ménager. On voit par différents petits comptes trouvés dans ses papiers qu’il a vécu un jour entier d’une soupe au lait accommodée avec du beurre, ce qui lui revenait à trois sous, et d’un pot de bière d’un sou et demi. C’est