Page:Œuvres de Spinoza, trad. Appuhn, tome I.djvu/318

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il trouvait quelque chose que, ni pour aucune des raisons précédentes, ni pour aucune autre, il ne pût révoquer en doute, il jugea avec raison qu’il la pourrait prendre comme fondement pour y asseoir toute la connaissance. Et, bien qu’en apparence il eût tout mis en doute puisqu’il doutait également des choses acquises par les sens et des choses perçues par le seul entendement, il se trouva cependant un objet encore à examiner : à savoir lui-même qui doutait ainsi. Non pas en tant qu’il se composait d’une tête, de mains et d’autres membres du corps, toutes choses déjà comprises dans le doute ; mais seulement en tant qu’il doutait, pensait, etc. Il reconnut par un examen très attentif qu’aucune des raisons ci-dessus indiquées ne pouvait ici justifier le doute : que ce soit en rêve ou à l’état de veille qu’il pense, encore est-il vrai qu’il pense et qu’il est ; que d’autres ou que lui-même aient erré en d’autres sujets, ils n’en existaient pas moins, puisqu’ils erraient. Il ne pouvait non plus supposer par aucune fiction un auteur de sa propre nature qui, si rusé qu’il fût, , pût le tromper en cela ; car dans le temps qu’on le supposera trompé on devra accorder qu’il existe. Quelque autre cause de doute qu’il pût concevoir enfin, il ne s’en pourra trouver aucune qui ne le rende en même temps au plus haut point certain de sa propre existence. Bien mieux, plus il se trouvera de raisons de douter, plus il y aura aussi d’arguments pour le convaincre de son évidence. Si bien que, de quelque côté qu’il se tourne pour douter, il n’en est pas moins contraint de s’écrier : je doute, je pense, donc je suis.

Cette vérité découverte, il trouve en même temps le fondement de toutes les sciences et aussi une mesure et une règle de toutes les autres vérités, à savoir :