Page:Œuvres de Spinoza, trad. Appuhn, tome I.djvu/317

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parce qu’il avait observé que ses sens le trompaient quelquefois et s’était souvent persuadé pendant ses rêves de l’existence réelle de beaucoup de choses, pour reconnaître ensuite son illusion ; enfin parce qu’il avait entendu affirmer par d’autres hommes, même pendant l’état de veille, qu’ils sentaient une douleur dans des membres perdus depuis longtemps. Il put donc, non sans raison, douter de l’existence même de son corps. Et tout cela lui permit de conclure avec vérité que ses sens ne sont pas (puisqu’on peut les révoquer en doute) le fondement le plus solide sur lequel toute la science doive être édifiée, et que la certitude doit dépendre d’autres principes plus certains. Pour poursuivre sa recherche de ces principes il considère en second lieu toutes les choses universelles telles que la nature corporelle en général et son étendue, la figure, la quantité, etc., comme aussi toutes les vérités mathématiques. Bien que ces notions lui parussent plus certaines que toutes celles qu’il avait eues par les sens, il trouva cependant une raison d’en douter : parce qu’il était arrivé à d’autres de se tromper à leur sujet, et surtout parce qu’il avait, fixée dans l’esprit, une opinion ancienne suivant laquelle il existerait un Dieu pouvant tout ; un Dieu l’ayant créé lui-même tel qu’il était et ayant pu faire qu’il fût trompé même dans les choses lui paraissant les plus claires. Par ce moyen donc il révoqua tout en doute.

Découverte du fondement de toute science. — Pour trouver les vrais principes des sciences il chercha ensuite s’il avait révoqué en doute tout ce qui pouvait tomber sous sa pensée, ce qui était une façon d’examiner s’il ne restait pas peut-être encore quelque chose dont il ne doutât pas. Si en effet, doutant comme il le faisait,