Page:Œuvres de Spinoza, trad. Appuhn, tome I.djvu/306

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une traversée heureuse et sûre, parvenir selon son désir au port de la connaissance, se voit flottant au hasard sur la mer houleuse des opinions, entouré de toutes parts des orages de la discussion, ballotté et submergé par les vagues du doute, sans aucun espoir de reprendre pied.

Quelques hommes se sont trouvés cependant qui en ont jugé autrement et, pleins de pitié pour ce destin lamentable de la Philosophie, se sont écartés de la voie communément suivie dans les sciences et battue par tous, pour entrer dans des chemins nouveaux, ardus certes, hérissés de difficultés, devant les conduire à transmettre à la postérité, démontrées selon la Méthode et avec la certitude Mathématique, les parties de la Philosophie autres que la Mathématique. De ces hommes les uns ont exposé dans cet ordre nouveau une philosophie déjà admise et coutumièrement enseignée dans les écoles, les autres, une Philosophie nouvelle, trouvée par leurs propres moyens et qu’ils présentaient au monde savant. Et, après que cette entreprise eut été tentée pendant un long temps et par beaucoup sans succès, se leva enfin cet astre le plus éclatant de notre siècle, René Descartes, qui d’abord, par une méthode nouvelle, fit passer des ténèbres à la lumière tout ce qui dans la Mathématique était resté inaccessible aux anciens et tout ce que les contemporains n’avaient pu découvrir, puis posa les fondements inébranlables de la Philosophie ; fondements sur lesquels il est possible d’asseoir la plupart des vérités dans l’ordre et avec la certitude mathématiques, ainsi que lui-même l’a réellement démontré et comme, à tous ceux qui ont étudié attentivement ses écrits dont jamais la louange n’égalera le