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du triangle, bien que ne sachant pas avec certitude si quelque souverain trompeur ne nous égare pas, de même aussi nous pouvons parvenir à une telle connaissance de Dieu, bien que ne sachant pas avec certitude s’il n’existe pas quelque souverain trompeur ; et, sitôt que nous avons cette connaissance, cela suffit, comme je l’ai dit, pour lever tout doute que nous pouvons avoir au sujet des idées claires et distinctes. De plus, si l’on procède droitement, s’appliquant d’abord à la recherche de ce qu’il faut chercher premièrement, suivant sans aucune interruption l’enchaînement des choses, et si l’on sait comment on doit déterminer les problèmes avant d’entreprendre de les résoudre, on n’aura jamais que les idées les plus certaines, c’est-à-dire claires et distinctes : car le doute n’est rien d’autre que l’indécision de l’esprit à l’égard d’une affirmation ou d’une négation qu’il prononcerait s’il ne se trouvait devant lui quelque objet dont l’ignorance doit rendre imparfaite la connaissance de la chose affirmée ou niée. Il ressort de là que le doute naît toujours de ce que les choses sont étudiées sans ordre.

(44) Telles sont les questions que j’ai promis de traiter dans cette première partie de la méthode. Pour ne rien omettre cependant de ce qui peut conduire à la connaissance de l’entendement et de ses forces, je traiterai encore brièvement de la mémoire et de l’oubli ; y ayant à considérer principalement ici que la mémoire acquiert de la force avec le secours de l’entendement et aussi sans ce secours. Touchant le premier point, plus une chose est connaissable et plus facilement elle se retient, et au contraire moins elle est connaissable, plus facilement nous l’oublions. Par exemple, si je donne à quelqu’un un grand nombre de mots sans lien, il les retiendra beaucoup plus difficilement que si je les