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(33) Commençons donc par la première partie de la Méthode qui est, comme nous l’avons dit, de distinguer et de séparer l’Idée vraie des autres perceptions, et d’empêcher l’esprit de confondre les idées fausses, forgées et douteuses avec les vraies ; mon intention est d’expliquer cela amplement en cet endroit, afin d’arrêter la pensée du lecteur sur une connaissance aussi nécessaire, et aussi parce que beaucoup en sont venus à douter même des choses vraies pour n’avoir pas pris garde à ce qui distingue la perception vraie de toutes les autres. Ils ressemblent ainsi à des hommes qui, pendant la veille, ne mettaient d’abord pas en doute qu’ils ne fussent éveillés, mais, s’étant une fois crus assurés en rêve, comme il arrive, qu’ils étaient éveillés, et ayant reconnu par la suite leur erreur, se sont mis à douter même de leurs veilles ; accident dont la raison est qu’ils n’ont jamais distingué le sommeil d’avec la veille. J’avertis toutefois que je ne traiterai pas ici de l’essence de chaque perception et ne l’expliquerai point par sa cause prochaine ; car cela appartient à la Philosophie. J’exposerai seulement ce que demande la méthode, c’est-à-dire à quel sujet se forme une perception fausse, forgée et douteuse, et comment nous arriverons à nous en libérer. Notre première enquête aura pour objet l’Idée Forgée.

(34) Toute perception a pour objet une chose considérée comme existante ou bien seulement une essence et la plupart des fictions ont trait à des choses considérées comme existantes ; je parlerai donc d’abord de cette dernière sorte, savoir celle où seule l’existence est controuvée, tandis que la chose que l’on se représente fictivement dans telle condition est connue ou supposée telle. Par exemple, je forge cette idée que