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être sûrs de ne rien admettre qui ait senteur de vérité. Il faut, en définitive, s’abstenir de parler de sciences avec eux (car pour ce qui concerne l’usage de la vie et de la société, la nécessité les oblige à admettre leur propre existence, à chercher ce qui leur est utile, à affirmer et à nier sous serment bien des choses). Leur prouve-t-on quelque chose, en effet, ils ne savent si l’argumentation est probante ou défectueuse. S’ils nient, concèdent, ou opposent une objection, ils ne savent qu’ils nient, concèdent, ou opposent une objection ; il faut donc les considérer comme des automates entièrement privés de pensée.

(32) Revenons maintenant à notre dessein : nous avons primo déterminé la Fin vers laquelle nous nous appliquons à diriger toutes nos pensées. Nous avons reconnu secundo quelle est la Perception la meilleure à l’aide de laquelle nous puissions parvenir à notre perfection ; tertio, quelle est la première Voie où doive s’attacher l’esprit pour bien commencer : elle consiste, étant donnée une idée vraie quelconque, à la prendre comme norme pour continuer ses recherches suivant des lois assurées. Pour le faire droitement, il faut demander à la Méthode : Primo, de distinguer l’idée vraie de toutes les autres perceptions et de préserver l’esprit de ces dernières ; secundo, de tracer des règles pour percevoir selon cette norme les choses inconnues ; tertio, d’instituer un ordre pour nous épargner d’inutiles fatigues. Après avoir fait connaissance avec cette méthode nous avons vu quarto, que pour qu’elle fût la plus parfaite, il fallait que nous eussions l’idée de l’Être le plus parfait. Nous aurons donc au début à prendre garde avant tout que nous parvenions le plus vite possible à la connaissance d’un tel Être.