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La honte et le remords , couple d’Euménides , enlacent le péché de leurs replis de serpents ; autour des ailes d’aigle de la grandeur s’enroule traîtreusement le danger. La ruine d’ordinaire se joue avec l’orgueil, l’envie se cramponne au bonheur ; sœur du trépas, la luxure, à bras ouverts, s’élance vers son frère.

Avec les ailes, de l’amour l’avenir se précipite dans les bras du passé ; Saturne , dans sa fuite rapide, poursuit et poursuivra longtemps sa fiancée… l’Éternité. Un jour… ainsi le disent les oracles… un jour Saturne atteindra sa fiancée. L’embrasement des mondes sera la torche d’hymen, quand le Temps s’unira avec l’Éternité. 0 ma Laure ! une plus belle aurore se lèvera alors aussi pour notre amour, et elle durera aussi longtemps que la nuit des noces de ces deux époux. Laure, Laure, réjouis-toi !


LAURE AU CLAVECIN[1]


Quand tes doigts, Laure, parcourent magistralement les touches, je demeure tantôt comme une statue sans âme, tantôt comme une âme sans corps. Tu commandes à la vie et à la mort, avec la mème puissance que Philadelphia[2] éveille des âmes dans mille réseaux de nerfs.

  1. Anthologie
  2. Célèbre physicien prestidigitateur, qui parcourait alors l’Allemagne. Je ne sais quel est au juste le tour en l’expérience, d’électricité sans doute ou de magnétisme, auquel Schiller fait ici allusion. La traduction littérale est : « Comme Philadelphia exige des âmes de mille tissus de nerfs. »