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L’ATTENTE[1].


N’ai-je pas entendu la petite porte s’ouvrir ? Le verrou n’a-t-il pas gémi ?… Non, c’était le souffle du vent qui siffle à travers ces peupliers.

Oh ! pare-toi, abri vert et touffu, tu dois recevoir celle qui rayonne de grâce ! Vous, branches, formez un réduit ombragé, pour l’entourer mystérieusement d’une nuit charmante ! Et vous tous, zéphyrs caressants, éveillez-vous, et jouez, et folâtrez autour de ses joues de roses, quand, d’un pas léger, ses pieds délicats porteront leur aimable fardeau vers ce trône de l’amour.

Silence ! Qui glisse à travers la haie, la froissant dans son rapide élan ?… Non, ce n’est que l’oiseau, que la frayeur chasse du buisson.

Ô jour, éteins ton flambeau ! Et toi, nuit, temps où voient les yeux de l’esprit, viens avec ton aimable silence ! Enveloppe-nous de ton crêpe de pourpre ; tresse autour de nous, avec ces branches, un réseau plein de mystère ! La douce volupté de l’amour fuit l’oreille curieuse qui épie ; elle fuit la lumière, indiscret témoin. Elle ne souffre d’autre confident qu’Hespérus, le discret Hespérus, qui regarde en silence.

De loin, tout bas n’a-t-on pas appelé ? On dirait des voix qui chuchotent… Non, c’est le cygne qui décrit ses cercles sur l’étang argenté.

  1. Cette pièce parait être de 1796, mais elle ne fut publiée qu’en 1800 dans l’Almanach des Muses.