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seulement forme, il faut qu’il donne la réalité à la virtualité qu’il porte en lui. Il donne la matière à la forme, en créant le temps, et en opposant à l’immuable le changeant, à l’éternelle unité de son moi, la diversité du monde ; il donne une forme à la matière, en supprimant de nouveau le temps, en maintenant la permanence dans le changement, et en soumettant la diversité du monde à l’unité de son moi.
Or, de là découlent pour l’homme deux exigences, opposées, les deux lois fondamentales de la nature rationnelle-sensible. La première a pour objet la réalité absolue : il doit faire monde tout ce qui n’est que forme, manifester tout ce qui, chez lui, est en puissance. La seconde loi a pour objet la formalité absolue : il doit détruire en lui tout ce qui n’est que monde et porter l’harmonie dans tous les changements. En d’autres termes, il doit manifester tout ce qui est interne et donner la forme à tout ce qui est externe. Envisagée dans son accomplissement le plus élevé, cette double tâche ramène à l’idée de la divinité, qui a été mon point de départ.