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Lettre XI

En s’élevant aussi haut qu’il est possible, l’abstraction arrive à deux idées premières devant lesquelles elle est obligée de s’arrêter et de reconnaître ses limites. Elle distingue dans l’homme quelque chose qui persiste , et quelque chose qui change sans cesse. Ce qui persiste, elle le nomme sa personne ; ce qui change, son état.

La personne et l’état, le moi et ses déterminations, que nous nous représentons comme une seule et même chose dans l’être nécessaire, sont éternellement distincts dans l’être fini. Malgré toute la persistance de la personne, l’état change ; malgré tous les changements dans l’état, la personne demeure et persiste. Nous passons du repos à l’activité, de l’émotion à l’indifférence, de l’assentiment à la contradiction, mais nous sommes toujours nous, et ce qui découle immédiatement de nous demeure. Dans le sujet absolu seul, persistent aussi avec la personnalité toutes ses déterminations, parce qu’elles découlent de la personnalité. Tout ce qu’est la divinité, elle l’est parce qu’elle est : en conséquence, elle est éternellement tout ce qu’elle est, parce qu’elle est éternelle.

Puisque dans l’homme, en tant qu’être fini, la personne et l’état sont-distincts, l’état ne peut se fonder sur la personne, ni la personne sur l’état. En admettant le second cas, la personne devrait changer ; dans le premier, l’état devrait persister. Ainsi, dans l’une ou l’autre supposition, ou la personnalité ou la qualité d’être fini cesserait nécessairement. Ce n’est point parce que nous pensons, voulons, sentons, que nous sommes ;