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Lettre VII

Cet effet d’harmonie, pourrait-on par hasard l’attendre de l’État ? Cela n’est point possible, car l’État tel qu’il est constitué aujourd’hui a donné lieu au mal, et l’État tel que la raison le conçoit en idée, au lieu de pouvoir fonder cette humanité plus parfaite, devrait lui-même se fonder sur elle. Ainsi donc, les recherches auxquelles je viens de me livrer m’auraient ramené au même point dont elles m’avaient momentanément éloigné. Bien loin de nous offrir cette forme de l’humanité que nous avons reconnue comme la condition nécessaire d’une amélioration morale de l’État, l’époque actuelle nous montre plutôt la forme directement contraire. Si donc les principes que j’ai posés sont exacts, et si l’expérience confirme le tableau que j’ai tracé du temps présent, il faut déclarer intempestif tout essai qui aurait pour but d’opérer un semblable changement dans l’État, et chimérique tout espoir qui se fonderait sur un tel essai, jusqu’à ce que la scission de l’homme intérieur ait cessé, et que sa nature soit développée assez complétement pour devenir elle-même l’ouvrière de cette œuvre et garantir la réalité de la création politique de la raison.
Dans la création physique, la nature nous montre le chemin que nous avons à suivre dans la création morale. Alors seulement que la lutte des forces élémentaires s’est apaisée dans les organisations inférieures, la nature s’élève jusqu’à la noble forme de l’homme physique. De même, il faut que le combat des éléments dans l’homme moral, le conflit des instincts aveugles soit calmé, et que le grossier antagonisme ait cessé en lui, avant que l’on puisse se hasarder à favoriser la diver