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Lettre IV

En fait, la prédominance d’un semblable caractère chez un peuple peut seule prévenir les conséquences fâcheuses d’une transformation de l’État selon des principes moraux, et seul aussi un tel caractère peut garantir la durée de l’État ainsi transformé. Dans l’institution d’un État moral, on compte sur la loi morale comme sur une force active, et l’on fait rentrer le libre arbitre dans ce domaine des causes où tout est enchaîné par les lois rigoureuses de la nécessité et de la stabilité. Nous savons pourtant que les déterminations de la volonté humaine sont toujours contingentes, et que chez l’être absolu seulement la nécessité physique coïncide avec la nécessité morale. Ainsi donc, pour pouvoir compter sur la conduite morale de l’homme comme sur une conséquence naturelle, il faut que cette conduite soit nature ; il faut que déjà ses instincts le portent à cette manière d’agir que peut avoir pour effet un caractère moral. Mais, entre le devoir et l’inclination, la volonté de l’homme est complètement libre, et la coaction physique ne peut ni ne doit attenter à ce droit régalien de sa personnalité. Si donc il doit d’une part conserver ce libre arbitre, et de l’autre former cependant un des membres utiles et sûrs de la série des forces enchaînées par les lois de la causalité, cela n’est possible qu’à une seule condition : c’est que les effets produits par ces deux mobiles dans la sphère des phénomènes coïncident parfaitement, et que, nonobstant toute différence dans la forme, la matière de la volonté reste la même ; en un mot, que ses penchants s’accordent avec sa raison,