double contradiction, d’abord le vice en lui-même, et en second lieu la récompense du vice.
Il y a d’ailleurs cette autre considération, que la vertu est bien plus propre à se récompenser elle-même que le vice, lorsqu’il triomphe, à se punir ; et c’est précisément pour cela que l’homme vertueux, dans l’infortune, restera beaucoup plutôt fidèle au culte de la vertu, que l’homme pervers ne songera, dans la prospérité, à se convertir.
Mais ce qui importe surtout pour déterminer, dans les émotions, le rapport du plaisir au déplaisir, c’est de comparer celle des deux fins qui a été remplie, avec celle qui a été méconnue, et de savoir quelle est la plus considérable. Or, il n’y a pas de convenance qui nous touche de si près que la convenance morale, et pas de plaisir supérieur à celui que nous en ressentons. La convenance physique pourrait bien être un problème et un problème à jamais insoluble : la convenance morale nous est démontrée. Elle seule est fondée sur notre nature raisonnable et sur une nécessité interne. C’est notre intérêt le plus proche, le plus considérable ; et en même temps le plus facile à reconnaître, puisqu’elle n’est déterminée par aucun élément du dehors, mais bien par un principe intérieur de notre raison : c’est le palladium de notre liberté !
Cette convenance morale ne se reconnaît jamais plus vivement, que lorsqu’elle se trouve en conflit avec une autre convenance et qu’elle prend le dessus ; alors seulement se révèle toute la puissance de la loi morale, lorsque nous la voyons en lutte avec toutes les autres forces de la nature, et qu’auprès d’elle, toutes ces forces perdent leur empire sur une âme humaine. Par ces mots « les autres forces de la nature, » il faut entendre tout ce qui n’est pas force morale, tout ce qui n’est pas soumis à la législation suprême de la raison : c’est-à-dire sentiments, instincts, affections, passions, tout aussi bien que la nécessité physique et le sort. Plus l’adversaire est redoutable, plus la victoire est glorieuse : la résistance seule donne la mesure de la force et la rend visible. Il s’ensuit que le plus haut degré de conscience de notre nature morale ne peut s’éprouver que