Page:Œuvres de Schiller, Esthétiques, 1862.djvu/15

Cette page n’a pas encore été corrigée

et les moyens, sont pour nous des sources de plaisir libéral, et, par conséquent, peuvent être employées à cette fin par les beaux-arts. Or, toutes les représentations peuvent rentrer sous l’un de ces chefs : le bien, le vrai, le parfait, le beau, le touchant, le sublime. Le bien occupe surtout notre raison ; le vrai et le parfait, notre intelligence ; le beau intéresse à la fois l’intelligence et l’imagination ; le touchant et le sublime, la raison et l’imagination. Il est vrai que nous sommes encore réjouis rien que par l’attrait ou le charme, qui n’est que la force sollicitée à entrer en jeu ; mais l’art ne fait usage de ce ressort que pour accompagner les jouissances plus relevées que nous donne l’idée de la convenance. Considéré en lui-même, le charme ou l’attrait se confond avec les sensations de la vie, et l’art le dédaigne comme tout ce qui n’est que plaisir sensuel.

On ne pourrait établir une classification des beaux-arts, sur la seule différence des sources où chacun d’eux va puiser le plaisir qu’il nous procure : attendu que dans une même classe de beaux-arts il peut entrer plusieurs sortes de plaisir, et souvent même toutes ensemble. Mais du moment qu’une certaine sorte de plaisir y est poursuivie comme but principal, on en peut faire sinon le caractère spécifique d’une classe proprement dite, du moins le principe et la tendance qui distingue entre elles les œuvres d’art. Ainsi, par exemple, on pourrait prendre les arts qui satisfont surtout l’intelligence et l’imagination, par conséquent ceux qui ont pour objet principal le vrai, le parfait et le beau, et les réunir sous le nom de beaux-arts (arts du goût, arts de l’intelligence) ; d’autre part, ceux qui occupent surtout l’imagination et la raison, et qui, par conséquent, ont pour principal objet le bon, le sublime et le touchant, pourraient être réunis dans une classe particulière, sous la dénomination d’arts touchants (arts du sentiment, arts du cœur). Sans doute, il est impossible de séparer absolument le touchant du beau ; mais le beau peut parfaitement subsister sans le touchant. Ainsi, bien qu’on ne soit point autorisé à asseoir sur cette différence de principe une classification rigoureuse des arts libéraux, cela peut du moins servir à en déterminer avec plus de précision le critérium, et à prévenir la confusion où