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un plaisir libéral. J’appelle un plaisir libéral celui qui met en jeu les forces spirituelles, la raison et l’imagination, et qui éveille en nous un sentiment par la représentation d’une idée : à la différence du plaisir physique ou sensuel, qui met notre âme sous la dépendance des forces aveugles de la nature, et où la sensation est immédiatement éveillée en nous par une cause physique. Le plaisir sensuel est le seul qui soit exclu du domaine des beaux-arts ; et le talent d’exciter ce genre de plaisir ne saurait jamais s’élever à la dignité d’un art, sauf le cas où les impressions sensuelles sont ordonnées, renforcées ou modérées, d’après un plan qui est le produit de l’art, et ou ce plan se reconnaît par la représentation. Mais, dans ce cas même, cela seul ici peut mériter le nom d’art, qui est l’objet d’un plaisir libéral, j’entends le bon goût dans l’ordonnance, qui réjouit notre entendement, et non les charmes physiques eux-mêmes, lesquels ne flattent que notre sensibilité.

La source générale de tout plaisir, et même du plaisir sensuel, c’est la convenance, la conformité avec le but. Le plaisir est sensuel lorsque cette convenance se manifeste non par le moyen des facultés représentatives, mais seulement par le moyen de quelque loi fatale de la nature, qui a pour conséquence physique la sensation du plaisir. Ainsi le mouvement du sang et des esprits animaux, quand il est conforme au but de la nature, produit dans certains organes, ou dans l’organisme tout entier, le plaisir corporel avec toutes ses variétés et tous ses modes : nous sentons cette convenance par le moyen de la sensation agréable ; mais nous n’arrivons à aucune représentation ni claire, ni même confuse de cette convenance.

Le plaisir est libéral, lorsque nous nous représentons la convenance, et que la sensation agréable accompagne cette représentation. Ainsi, toutes les représentations par lesquelles nous sommes avertis qu’il y a convenance et harmonie entre la fin