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DE LA CAUSE DU PLAISIR QUE NOUS PRENONS AUX OBJETS TRAGIQUES[1].


Quelque peine que se donnent certains esthéticiens modernes, pour établir, contrairement à la croyance générale, que les arts de l’imagination et du sentiment n’ont point pour objet le plaisir, et pour les en défendre comme d’une accusation qui les dégrade, cette croyance ne cessera point, après comme avant, de reposer sur un fondement solide ; et les beaux-arts renonceront malaisément à la mission incontestable et bienfaisante qui de tout temps leur a été assignée, pour accepter le nouvel emploi auquel on prétend généreusement les élever. Sans s’inquiéter s’ils s’abaissent en se proposant pour objet notre plaisir, ils seront bien plutôt fiers de cet avantage, d’atteindre immédiatement un but où n’atteint jamais que médiatement, par toutes les autres voies qu’elle peut suivre, l’activité de l’esprit humain. Que le but de la nature, par rapport à l’homme, soit le bonheur de l’homme, bien qu’il ne doive pas lui-même, dans sa conduite morale, se préoccuper de ce but, c’est ce dont ne peut douter, je pense, quiconque admet

  1. Cet écrit fut imprimé pour la première fois dans la Nouvelle Thalie (1er cahier de 1792, tome I, p. 92-125) ; puis réimprimé, en 1802, dans le tome IV des Opuscules en prose (p. 75-109). — Voyez la Vie de Schiller, p. 90.