les despotes ; ils faisaient tantôt des livres contre la cour, et tantôt des dédicaces aux rois, des discours pour les courtisans et des madrigaux pour les courtisanes ; ils étaient fiers dans leurs écrits, et rampants dans les antichambres. Cette secte propagea avec beaucoup de zèle l’opinion du matérialisme, qui prévalut parmi les grands et parmi les beaux-esprits ; on lui doit en grande partie cette espèce de philosophie pratique qui, réduisant l’égoïsme en système, regarde la société humaine comme une guerre de ruse, le succès comme la règle du juste et de l’injuste, la probité comme une affaire de goût ou de bienséance, le monde comme le patrimoine des fripons adroits. J’ai dit que ses coryphées étaient ambitieux : les agitations qui annonçaient un grand changement dans l’ordre politique des choses avaient pu étendre leurs vues ; on a remarqué que plusieurs d’entre eux avaient des liaisons intimes avec la maison d’Orléans, et la constitution anglaise était, suivant eux, le chef-d’œuvre de la politique, le maximum du bonheur social.
Parmi ceux qui au temps dont je parle se signalèrent dans la carrière des lettres et de la philosophie, un homme, par l’élévation de son âme et par la grandeur de son caractère, se montra digne du ministère de précepteur du genre humain : il attaqua la tyrannie avec franchise ; il parla avec enthousiasme de la Divinité ; son éloquence mâle et probe peignit en traits de flamme les charmes de la vertu ; elle défendit ces dogmes consolateurs que la raison donne pour appui au cœur humain : la pureté de sa doctrine, puisée dans la nature et dans la haine profonde du vice, autant que son mépris invincible pour les sophistes intrigants qui usurpaient le nom de philosophes, lui attira la haine et la persécution de ses rivaux et de ses faux amis. Ah ! s’il avait été témoin de cette révolution, dont il fut le précurseur, et qui l’a porté au Panthéon, qui peut douter que son âme généreuse eût embrassé avec transport la