songes, elles seraient encore la plus belle de toutes les conceptions de l’esprit humain.
Je n’ai pas besoin d’observer qu’il ne s’agit pas ici de faire le procès à aucune opinion philosophique en particulier, ni de contester que tel philosophe peut être vertueux, quelles que soient ses opinions, et même en dépit d’elles, par la force d’un naturel heureux ou d’une raison supérieure ; il s’agit de considérer seulement l’athéisme comme national, et lié à un système de conspiration contre la république.
Eh ! que vous importent à vous, législateurs, les hypothèses diverses par lesquelles certains philosophes expliquent les phénomènes de la nature ? Vous pouvez abandonner tous ces objets à leurs disputes éternelles ; ce n’est ni comme métaphysiciens ni comme théologiens que vous devez les envisager : aux yeux du législateur, tout ce qui est utile au monde et bon dans la pratique est la vérité.
L’idée de l’Être-Suprême et de l’immortalité de l’âme est un rappel continuel à la justice ; elle est donc sociale et républicaine. (On applaudit.) La nature a mis dans l’homme le sentiment du plaisir et de la douleur, qui le force à fuir les objets physiques qui lui sont nuisibles, et à chercher ceux qui lui conviennent. Le chef-d’œuvre de la société serait de créer en lui pour les choses morales un instinct rapide qui, sans le secours tardif du raisonnement, le portât à faire le bien et à éviter le mal ; car la raison particulière de chaque homme égaré par ses passions n’est souvent qu’un sophiste qui plaide leur cause, et l’autorité de l’homme peut toujours être attaquée par l’amour-propre de l’homme. Or, ce qui produit ou remplace cet instinct précieux, ce qui supplée à l’insuffisance de l’autorité humaine, c’est le sentiment religieux qu’imprime dans les âmes l’idée de la sanction donnée aux préceptes de la morale par une puissance supérieure à l’homme : ainsi je ne sache pas qu’aucun législateur se soit jamais avisé de nationaliser l’athéisme.