l’Europe est à genoux devant les ombres des tyrans que nous punissons.
En Europe, un laboureur, un artisan sont des animaux dressés pour le plaisir d’un noble. En France, les nobles cherchent à se transformer en laboureurs et en artisans, et ne peuvent pas même obtenir cet honneur.
L’Europe ne conçoit pas qu’on puisse vivre sans rois, sans nobles, et nous que l’on puisse vivre avec eux.
L’Europe prodigue son sang pour river les chaînes de l’humanité, et nous pour les briser.
Nos sublimes voisins entretiennent gravement l’univers de la santé du roi, de ses divertissements, de ses voyages ; ils veulent absolument apprendre à la postérité à quelle heure il a dîné, à quel moment il est revenu de la chasse, quelle est la terre heureuse qui à chaque instant du jour eut l’honneur d’être foulée par ses pieds augustes, quels sont les noms des esclaves privilégiés qui ont paru en sa présence au lever, au coucher du soleil.
Nous lui apprendrons, nous, les noms et les vertus des héros morts en combattant pour la liberté ; nous lui apprendrons dans quelle terre les derniers satellites des tyrans ont mordu la poussière ; nous lui apprendrons à quelle heure a sonné le trépas des oppresseurs du monde.
Oui, cette terre délicieuse que nous habitons, et que la nature caresse avec prédilection, est faite pour être le domaine de la liberté et du bonheur ; ce peuple sensible et fier est vraiment né pour la gloire et pour la vertu. Ô ma patrie ! si le destin m’avait fait naître dans une contrée étrangère et lointaine, j’aurais adressé au Ciel des vœux continuels pour ta prospérité ; j’aurais versé des larmes d’attendrissement au récit de tes combats et de tes vertus ; mon âme attentive aurait suivi avec une inquiète ardeur tous les mouvements de ta glorieuse révolution, j’aurais envié le sort de tes citoyens ; j’aurais envié celui de tes représentants : je suis Français, je suis l’un de tes répré-