pour écouter, dans le silence des passions, la voix de la sagesse. Le moment où le bruit de nos victoires retentit dans l’univers est donc celui où les législateurs de la république française doivent veiller avec une nouvelle sollicitude sur eux-mêmes et sur la patrie, et affermir les principes sur lesquels doivent reposer la stabilité et la félicité de la république. Nous venons aujourd’hui soumettre à votre méditation des vérités profondes qui importent au bonheur des hommes, et vous proposer des mesures qui en découlent naturellement.
Le monde moral, beaucoup plus encore que le monde physique, semble plein de contrastes et d’énigmes. La nature nous dit que l’homme est né pour la liberté, et l’expérience des siècles nous montre l’homme esclave ; ses droits sont écrits dans son cœur, et son humiliation dans l’histoire : le genre humain respecte Caton, et se courbe sous le joug de César ; la postérité honore la vertu de Brutus, mais elle ne la permet que dans l’histoire ancienne ; les siècles et la terre sont le partage du crime et de la tyrannie ; la liberté et la vertu se sont à peine reposées un instant sur quelques points du globe : Sparte brille comme un éclair dans des ténèbres immenses.
Ne dis pas cependant, ô Brutus, que la vertu est un fantôme ! Et vous, fondateurs de la république française, gardez-vous de désespérer de l’humanité, ou de douter un moment du succès de votre grande entreprise !
Le monde a changé ; il doit changer encore. Qu’y a-t-il de commun entre ce qui est et ce qui fut ? Les nations civilisées ont succédé aux sauvages errants dans les déserts ; les moissons fertiles ont pris la place des forêts antiques qui couvraient le globe ; un monde a paru au delà des bornes du monde ; les habitants de la terre ont ajouté les mers à leur domaine immense ; l’homme a conquis la foudre, et conjuré celle du Ciel. Comparez le langage imparfait des hiéroglyphes avec les miracles de l’imprimerie ; rap-