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qui, pour toute réponse à nos justes plaintes, se contentent de nous dire froidement : « Avec tous ses vices, notre constitution est encore la meilleure qui ait existé ? »

Est-ce donc pour que vous laissiez nonchalamment, dans cette constitution, des vices essentiels qui détruisent les premières bases de l’ordre social, que vingt-six millions d’hommes ont mis en vos mains le redoutable dépôt de leurs destinées ? Ne dirait-on pas que la réforme d’un grand nombre d’abus et plusieurs lois utiles soient autant de grâces accordées au peuple, qui dispensent de faire davantage en sa faveur ? Non, tout le bien que vous avez fait était un devoir rigoureux. L’omission de celui que vous pouvez faire est une prévarication, le mal que vous feriez un crime de lèse-nation et de lèse-humanité. Il y a plus : si vous ne faites tout pour la liberté, vous n’avez rien fait. Il n’y a pas deux manières d’être libre : il faut l’être entièrement, ou redevenir esclave. La moindre ressource laissée au despotisme rétablira bientôt sa puissance. Que dis-je ! déjà il vous environne de ses séductions et de son influence ; bientôt il vous accablerait de sa force. Ô vous qui, contents d’avoir attaché vos noms à un grand changement, ne vous inquiétez pas s’il suffit pour assurer le bonheur des hommes ! ne vous y trompez pas, le bruit des éloges que l’étonnement et la légèreté font retentir autour de vous s’évanouira bientôt ; la postérité, comparant la grandeur de vos devoirs et l’immensité de vos ressources avec les vices essentiels de votre ouvrage, dira de vous avec indignation : « Ils pouvaient rendre les hommes heureux et libres, mais ils ne l’ont pas voulu ; ils n’en étaient pas dignes. »

Mais, dites-vous, le peuple, des gens qui n’ont rien à perdre, pourront donc, comme nous, exercer tous les droits de citoyens ?

Des gens qui n’ont rien à perdre ! que ce langage de l’orgueil en délire est injuste et faux aux yeux de la vérité !