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donc que dans tous les cas l’égalité soit établie dans les successions.

Quel motif encore pour préférer la sagesse du testateur à la sagesse de la loi ? Consultez la nature des choses et les circonstances où se trouvent ceux qui font des testaments : n’est-il pas dans la nature de l’homme d’être toujours disposé à éloigner dans son imagination le terme de son existence ? Son testament lui rappelle l’heure de la mort, et il ne se détermine à le faire que lorsqu’il est affaibli par l’âge, absorbé par la maladie ; mais dans tous les temps la cupidité, l’intrigue, lui tendent des pièges. Les testaments sont l’écueil de la faiblesse et de la crédulité, le signal de la discorde dans les familles ; ajoutez que presque toujours à la faiblesse se joint le préjugé, cette habitude des chimères qui a encore ses racines sous les débris de la féodalité, cette vanité qui porte l’homme à favoriser l’un de ses enfants pour soutenir la gloire de son nom. Mais, dit-on, l’autorité paternelle sera anéantie. Non, qu’on ne se persuade pas que la piété filiale puisse reposer sur d’autres bases que sur la nature, sur les soins, la tendresse, les mœurs et les vertus des pères. Croit-on que la plus belle des vertus puisse être entée sur l’intérêt personnel et la cupidité ? Celui qui ne respecte son père que parce qu’il espère une plus forte part de sa succession, celui-là est bien près d’attendre avec impatience le moment de la recueillir, celui-là est bien près de haïr son père. Voyez ces procès éternels, voyez ces manœuvres et ces artifices par lesquels la cupidité abusait de la faiblesse des pères ; voyez l’opulence d’un frère insultant à la misère d’un autre frère. Cette loi, qui produit d’aussi funestes effets, qui tend à anéantir les mœurs privées, et par conséquent les mœurs publiques, je ne vous rappellerai pas que le hasard seul l’a transplantée chez nous ; je ne vous rappellerai pas que chez les Romains la puissance d’un père sur ses enfants représentait celle d’un maître sur ses esclaves ; que cette puis-