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toire n’est qu’un moyen d’ambition et un danger pour la liberté même, un prétexte fatal dont l’intrigue abuse pour endormir le patriotisme sur les bords du précipice ; sans elle, qu’importe la victoire même ! La victoire ne fait qu’armer l’ambition, endormir le patriotisme, éveiller l’orgueil et creuser de ses mains brillantes le tombeau de la République. Qu’importe que nos armées chassent devant elles les satellites armés des rois, si nous reculons devant les vices destructeurs de la liberté publique ! Que nous importe de vaincre les rois, si nous sommes vaincus par les vices qui amènent la tyrannie !…

Dans la carrière où nous sommes, s’arrêter avant le terme c’est périr, et nous avons honteusement rétrogradé. Attendons-nous donc à tous les fléaux que peuvent entraîner les factions, qui s’agitent impunément. Au milieu de tant de passions ardentes, et dans un si vaste empire, les tyrans dont je vois les armées fugitives, mais non enveloppées, mais non exterminées, se retirent pour vous laisser en proie à vos dissensions intestines, qu’ils allument eux-mêmes, et à une armée d’agents criminels que vous ne savez pas même apercevoir. Laissez flotter un moment les rênes de la révolution ; vous verrez le despotisme militaire s’en emparer, et les chefs des factions renverser la représentation nationale avilie ; un siècle de guerre civile et de calamités désolera notre patrie, et nous périrons pour n’avoir pas voulu saisir un moment marqué dans l’histoire des hommes pour fonder la liberté ; nous livrons notre patrie à un siècle de calamités, et les malédictions du peuple s’attacheront à notre mémoire, qui devait être chère au genre humain !…

« Peuple, souviens-toi que si dans la République la justice ne règne pas avec un empire absolu, et si ce mot ne signifie pas l’amour de l’égalité et de la patrie, la liberté n’est qu’un vain nom ! Peuple, toi que l’on craint, que l’on flatte et que l’on méprise ; toi, souverain reconnu, que l’on traite toujours en esclave : souviens-toi que partout où la jus-