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motifs, mais ne se laissaient pas atteindre par son mauvais goût. Quant à l’idolâtrie gréco-romaine, à la fièvre mythologique de la Pléiade, la nation n’en guérit pas comme de l’autre mal. Le dix-septième siècle la changea en affection chronique. Elle empira pendant le siècle suivant, continua sous Bonaparte et ne cessa qu’au retour des Bourbons.

Quelques mots peuvent résumer l’action littéraire de cette école. Sans indépendance d’esprits, sans liberté politique, sans élévation morale, dénuée d’enthousiasme religieux, inféodée à la cour, ne témoignant aucune sympathie pour les intérêts populaires, esclave dans la forme aussi bien que dans l’idée, ses vrais services sont les progrès qu’elle a fait accomplir à la langue et à la versification ; le style devint plus riche, la phrase plus abondante, la période plus nombreuse, le mètre plus varié. Elle aimait, en outre, la nature et l’a mieux peinte que ses héritiers pendant cinq ou six générations Mais, ne tenant au seizième siècle que par le côté laborieux, savant, rétrospectif et universitaire, elle manquait de base dans le présent, de relation avec l’avenir. Aussi n’a-t-elle pu résister même aux premières atteintes de l’âge et de la mauvaise fortune. Dès que son astre pâlit, dès que l’atmosphère se troubla autour d’elle, cette école brillante, mais peu solide, tomba comme un édifice mal construit. L’abandon a suivi sa chute, le silence s’est fait dans ses décombres. Des mains maladroites essayèrent en vain de la restaurer. Les plantes de la solitude ont continué à l’envahir. Mais, sans lui prêter une fausse grandeur, sans vouloir lui rendre un éclat détruit pour toujours, on peut dire que ses ruines sont intéressantes à contempler. On y trouve çà et là une belle colonne, de délicates arabesques, d’élégantes moulures, un bas-relief même ou une statue endommagée par le temps, qui prouvent que des artistes supérieurs en avaient dressé les murailles et sculpté les pierres.

ALFRED MICHIELS.



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