Page:Œuvres de Philippe Desportes (éd. 1858).djvu/86

Cette page a été validée par deux contributeurs.

à tes genoux, tu ne le rejettes point ; tu ne déshérites point l’enfant désobéissant, mais, aussitôt qu’il prononce le premier mot de sa repentance, tu luy jettes les bras au col, tu le baises, tu luy donnes une robe neuve, et, au lieu du châtiment mérité, tu prépares le banquet. »

Le lecteur a sans doute admiré, comme nous, la richesse et l’ampleur de cette élocution. Un autre fragment ne saurait lui déplaire.


À LA VIERGE.

« Tu es cette blanche toison de Gédéon, non baignée par trois fois de simple rosée, mais toute remplie des grâces et des mystères de la Trinité, par l’ouvrage de laquelle tu as incompréhensiblement conceu ton Père et ton Dieu. Tu es cette nouvelle Ève, non marâtre comme la première, qui fit mourir ses enfans avant que de les engendrer, mais mère aimable et débonnaire : non mère des mourants, comme l’autre, mais des ressuscités et des revivants, par le moyen de celui dont tu es ensemble épouse, et fille, et mère. Tu es cette valeureuse Judith, qui sauva ton peuple et la cité désespérée, coupant la tête au cruel tyran qui nous tenoit si rudement assiégés. Tu es cette agréable Esther, les délices du Roy céleste, qui tournas le jugement de notre mort et les couteaux qui nous menaçaient sur celuy même qui les avoit préparés. »

Certes, l’homme qui priait dans ce langage magnifique aurait pu traiter en prose les matières les plus graves et les plus délicates. Une dernière citation finira de le prouver.


AUX SAINTS.

« Fleurs du ciel, ames bienheureuses, qui par tant de travaux et de peines, êtes venues au repos céleste, où sont maintenant vos larmes, vos veilles et vos abstinences ? Et que sont devenus tant de gênes et de supplices, de gibets, de fers et de flammes, qui vous ont travaillées sur la terre ? Tout s’est évanouy comme un songe et, pour un labeur peu durable, vous êtes couronnées d’une gloire et d’une félicité perpétuelles. Ô vous donc, laborieux athlètes de Jésus-Christ, puisque vous avez heureusement achevé votre combat, favorisez ceux qui sont encore sur l’arène ; et du port où vous êtes surgis, jetez l’œil sur nous