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tyrannie, et, pour lui plaire, la libre nature devait elle-même fléchir devant son orgueil. Le seizième siècle, bien entendu, n’avait pas subi cette pernicieuse influence. Les anciens qu’il imitait, Virgile, Homère et les tragiques grecs spécialement, ne détestaient point, comme le roi boursouflé, l’aspect primitif des champs et des bois. La Pléiade, en outre, eut le bonheur de ne point se laisser trop égarer par les fausses descriptions de l’Aminta et du Pastor fido. On trouve donc çà et là dans ses œuvres des images empruntées à la nature, des tableaux même ou de simples études sur lesquels flotte, comme une lumière d’or, le charme éternel de la vérité. Plusieurs de ces paysages, de ces ébauches, décorent le poétique château de plaisance construit par Desportes. On a cité avant moi les strophes admirables que je vais reproduire, ne pouvant me dispenser de les mettre sous les yeux du lecteur :

Si je ne loge en ces maisons dorées,
Au front superbe, aux voûtes peinturées
D’azur, d’émail et de mille couleurs,
Mon œil se paît des trésors de la plaine,
Riche d’œillet, de lys, de marjolaine,
Et du beau teint des printanières fleurs.

Ainsi vivant, rien n’est qui ne m’agrée ;
J’oy des oiseaux la musique sacrée,
Quand, au matin, ils bénissent les cieux,
Et le doux son des bruyantes fontaines,
Qui vont coulant de ces roches hautaines
Pour arroser nos prés délicieux.

Que de plaisir de voir deux colombelles,
Bec contre bec, en trémoussant des ailes,
Mille baisers se donner tour à tour !
Puis, tout ravi de leur grâce naïve,
Dormir au frais d’une source d’eau vive,
Dont le doux bruit semble parler d’amour !

Dans la pièce intitulée : Discours, pièce qu’on peut lire parmi les Bergeries[1], Desportes nous révèle ses goûts champêtres. Quand il avait quitté la ville, tous les travaux rustiques le charmaient ; il en prenait sa part comme un simple mortel.

Dès la pointe du jour, que l’aube qui reluit
A fait évanouïr les frayeurs de la nuit,
Je choisis quelque mont dont la cime est hautaine,
Et, m’y traçant chemin, tout pensif, je ramène

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