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C’est toi, qui, d’une main puissante,
Dardes la foudre punissante,
Et qui, d’un clin d’œil seulement,
Fais tourner cette masse ronde ;
La flamme, l’air, la terre et l’onde
Sont serfs de ton commandement.

C’est toi, qui n’a point de naissance,
Triple personne en une essence,
Tout saint, tout bon, tout droiturier ;
Ton doigt ce grand univers range,
Et, bien que toute chose change,
Tu demeures sans varier.

Ta parole est chose assurée,
Et quand n’aura plus de durée
Du ciel l’assidu mouvement,
Elle encor demeurera ferme,
Comme n’ayant ni fin ni terme,
Non plus que de commencement.

Pour un homme qui avait si longtemps invoqué les dieux païens, il me semble que voilà des tons d’orgue assez majestueux. Il faudra plus d’un demi-siècle pour que l’on entende, dans Polyeucte, des notes équivalentes. Le repentir et l’inquiétude ont aussi arraché à Desportes maint accent douloureux, où gémit une véritable éloquence. On ne pourra méconnaître une émotion réelle dans ce beau passage :

Je ressemble en mes maux au passant misérable,
Que des brigands pervers la troupe impitoyable
Au val de Jéricho pour mort avoit laissé
Il ne pouvoit s’aider, sa fin étoit certaine,
Si le Samaritain, d’une ame tout humaine,
N’eût étanché sa plaie et ne l’eût redressé.

Ainsi sans toi, Seigneur, vainement je m’essaie ;
Donne-m’en donc la force et resserre ma plaie.
Purge et guéris mon cœur, que ton ire a touché,
Et que ta sainte voix, qui força la nature,
Arrachant le Lazare hors de la sépulture,
Arrache mon esprit du tombeau de péché.

Fais rentrer dans le parc la brebis égarée.
Donne de l’eau vivante à ma langue altérée,
Chasse l’ombre de mort qui vole autour de moi ;
Tu me vois nu de tout, sinon de vitupère ;
Je suis l’enfant prodigue, embrasse-moi, mon père !
Je le confesse, helas ! j’ai péché devant toi.

Pourquoi se fût offert soi-même en sacrifice
Ton enfant bien-aimé, Christ, ma seule justice ;
Pourquoi par tant d’endroits son sang eût-il versé,
Sinon pour nous, pécheurs, et pour te satisfaire ?