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La France, en deux parts divisée,
De guerres naguère embrasée
Sont or’ le doux fruit d’une paix ;
Mais, las ! nul fruit je n’en rapporte,
Car la guerre est toujours plus forte
Entre mes pensers que jamais.

J’ai choisi et rapproché dans ce morceau les strophes les plus belles. Ce travail serait inutile pour la délicieuse chanson des Amours de Diane, qui commence par ce vers :

Quand je songe aux plaisirs qu’on reçoit en aimant, etc.


Elle est parfaite d’un bout à l’autre et l’on n’y trouve pas une expression, pas un mot que l’on voudrait changer. On en peut dire autant des gracieux couplets qui ornent les Amours d’Hippolyte et dont voici le début :

Pour faire qu’une affection
Ne soit sujette à l’inconstance,
Il faut beaucoup de connoissance
Et beaucoup de discrétion[1].

L’amour a même inspiré à Desportes des accents héroïques tout nouveaux dans notre littérature. Ainsi, une pièce emblématique, où il accuse au tribunal de la raison l’invincible dieu, contient cette éloquente réponse ; son adversaire l’incrimine à son tour :

Ingrat est-il vraiment et sans reconnoissance,
De me rendre à présent si pauvre récompense,
Pour cent mille bienfaits qu’il a reçus de moi.
J’ai purgé son esprit par ma divine flamme,
L’enlevant jusqu’au ciel et remplissant son ame
D’amour, de beaux désirs, de constance et de foi.

Je l’ai fait ennemi du tumulte des villes,
Je l’ai purifié de passions serviles,
Compagnon de ces dieux qui sont parmi les bois ;
J’ai chassé loin de lui l’ardente convoitise,
L’orgueil, l’ambition, l’envie et la feintise,
Cruels bourreaux de ceux qui font la cour aux rois.

J’ai fait par ses écrits admirer sa jeunesse,
J’ai réveillé ses sens engourdis de paresse,
Hautain et généreux je l’ai fait devenir ;
Je l’ai séparé loin des sentiers du vulgaire
Et lui ai enseigné ce qu’il lui fallait faire
Pour au mont de vertu sûrement parvenir.


  1. Voyez la suite, page 173. Les deux chansons qui précèdent, sans aucun intervalle, méritent presque autant d’éloges.