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justement appelé l’attention du lecteur sur trois pièces charmantes. La villanelle qui débute par ces mots :

Rozette, pour un peu d’absence, etc.[1] ;


la spirituelle chanson des Amours de Diane :

Un doux trait de vos yeux, ô ma fière déesse, etc.[2] ;


et le sixième sonnet des Bergeries :

Ah ! mon Dieu, je me meurs ! il ne faut plus attendre, etc.

On aurait pu en signaler beaucoup d’autres où respire la même vérité, qui marchent avec la même prestesse et la même désinvolture. Quoi de plus charmant que ces couplets :

La terre, naguère glacée,
Est ores de vert tapissée ;
Son sein est embelli de fleurs ;
L’air est encore amoureux d’elle,
Le ciel rit de la voir si belle,
Et moi, j’en augmente mes pleurs.

Des oiseaux la troupe légère,
Chantant d’une voix ramagère,
S’égaye aux bois à qui mieux mieux ;
Et moi, tout rempli de furie,
Je sanglotte, soupire et crie
Par les plus solitaires lieux.

Les oiseaux cherchent la verdure ;
Moi, je cherche une sépulture,
Pour voir mon malheur limité.
Vers le ciel ils ont leur volée,
Et mon ame trop désolée
N’aime rien que l’obscurité.

Quand je vois tout le monde rire,
C’est lors que seul je me retire
À part, en quelque lieu caché :
Comme la chaste tourterelle,
Perdant sa compagne fidèle,
Se perche en quelque tronc séché.

Le beau jour jamais ne m’éclaire ;
Toujours une nuit solitaire
Couvre mes yeux de son bandeau ;
Je ne vois rien que les ténèbres,
Je n’entends que des chants funèbres,
Sûrs présages de mon tombeau.


  1. Voyez la pièce entière, page 450.
  2. Page 77 de ce volume.