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de rire si on leur débitait les phrases ampoulées, les absurdes flatteries des poëtes italiens.

Puisque j’ai cité une pièce entière de Pétrarque, je vais lui opposer un morceau écrit par un auteur septentrional. Voici les adieux que lord Byron adressait à sa femme :

« Sois heureuse ! et si nous devons être séparés pour toujours, eh bien ! je te le dis pour toujours : Sois heureuse ! Quoique tu demeures inflexible, jamais mon cœur ne se révoltera contre toi.

« Je voudrais que tu pusses lire dans ce sein, où ta tête a si fréquemment reposé, alors qu’un tranquille sommeil venait fermer tes paupières, ce sommeil que tu ne connaîtras plus jamais !

« Je voudrais que ce cœur, dédaigné par toi, pût te découvrir chacune de ses intimes pensées : tu verrais enfin qu’il est mal de le repousser ainsi.

« Quoique le monde approuve ta conduite et sourie du malheur qui me frappe, tu dois être offensée de telles louanges provoquées par ma douleur.

« Quoique bien des fautes aient projeté leur ombre sur moi, ne pouvait-on choisir, pour me porter une blessure incurable, un autre bras que celui qui m’entourait jadis ?

« Et pourtant ne te trompe pas, ne te fais point illusion : l’amour peut périr d’une mort lente, mais une violence soudaine ne peut arracher les cœurs l’un à l’autre.

« Le tien gardera toujours le principe de sa vie ; quoique saignant, le mien continue de battre ; et l’éternelle pensée qui doit nous torturer, c’est que nous ne serons plus jamais réunis.

« Voilà des mots d’une tristesse plus profonde que les lamentations sur les tombeaux. Nous vivrons tous les deux, mais chaque matin nous éveillera dans une couche solitaire.

« Et si tu voulais chercher des consolations, lorsque notre enfant bégayera ses premières paroles, lui apprendras-tu à dire : mon père ! quoiqu’elle ne doive jamais recevoir mes soins ?

« Quand ses petites mains te presseront, quand ses lèvres se poseront sur les tiennes, pense à celui dont la prière te bénira, que ton amour avait béni.

« Si ses traits te rappellent les traits que tu ne dois plus voir, ton cœur tremblera doucement d’une émotion fidèle à mon souvenir.

« Tu connais peut-être toutes mes erreurs, nul ne peut connaître toute ma folie ; mais toutes mes espérances te suivent, quelque part que tu ailles ; et cependant elles sont frappées d’un coup mortel.