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Compagnes du bon heur des branlantes couronnes,
Sous la main du grand Dieu les deux fortes colonnes.
« Lorsqu’il eust eu des arts le doux miel savouré,
Des hommes de sçavoir je l’eusse enamouré,
Dont la plume d’acier, des ans victorieuse,
Sçait garder aux beaux faits leur beauté vigoureuse.
« Le ciel ne l’a permis, et son heur ne peut pas
Donner prise au regret des choses d’icy bas ;
Donc mets fin à tes pleurs, et croy qu’en ceste gloire
De ta sainte amitié j’ay chere la memoire.
Exempt de passion, vis bien et sois certain
Qu’un bon œuvre si tost n’est party de la main,
Que preste dans le ciel en est la récompense.
« Sers ton grand cardinal, l’ornement de la France,
Ferme appuy de l’Eglise, honneur de ce senat,
Dont le pourpre romain d’un si divin esclat
Luit parmy les chretiens, ame qui, genereuse,
Comble d’heur et d’honneur ce beau nom de Joyeuse.
Je sçay parfaitement ses forces et son cœur,
Depuis que le François, des Romains le vainqueur,
Jetta de cet Estat les fondemens, pour estre
Du monde assubjetty le monarque et le maistre.
En seigneur on n’a veu tant de cœur, tant de foy,
Tant de dexterité pour bien servir son roy ;
C’est une ame sans peur, c’est un roc de constance,
Emmuré de vertus, seur rempart de la France.
Hà ! quel contentement servir un tel seigneur !
L’honneur d’un si grand maistre est aussi ton honneur.
Tousjours d’un si grand nom, plein de gloire immortelle,
Sur le bon serviteur jaillit quelque estincelle ;
Ton devoir envers luy, de nul but limité,
Se plaise en l’infiny de ta fidelité. »
Là se teut, et soudain, apres cette parole,
Se derobe à mes yeux et parmy l’air s’envole.
Ma chambre de la nuict reprit l’obscurité ;
Mon ame retenant un rayon de clarté,
Par une estroite amour à son ame colée,
Demeura plus tranquille, en son dueil consolée.

J. de Montereul[1].


FIN.


  1. Ce Jacques de Montereul, ami de Desportes, était professeur en philosophie, comme nous l’apprend l’abbé Goujet.