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TOMBEAU


DE


MESSIRE PHILIPPE DESPORTES


ABBÉ DE THIRON


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Doncques ce grand soleil, dont l’heureuse influance
Versa prodiguement tant d’honneur sur la France,
Est couché pour jamais ; cet Apollon françois,
La loy des beaux esprits, les delices des rois,
Ce chef-d’œuvre des cieux, leur plus parfaite ouvrage,
Ce tresor de sçavoir, l’ornement de nostre age,
Des Muses le soucy, l’heur de ce saint troupeau,
Desportes gist, helas ! hoste du froid tombeau.
La mort nous l’a ravy. Mort injuste et cruelle,
Contre toute raison, équitable on t’appelle.
Il est vray, d’un malheur également commun
Tu vas de ta grand faux moissonnant un chacun ;
Mais où tout est égal ne regne la justice :
Tu tiens en mesme rang la vertu et le vice,
Un grand homme est plustost par toy mis au tombeau
Qu’un lourdaut, de la terre inutile fardeau.
Pour assouvir ta gueule et jour et nuict beante,
Tu te devois jeter sur la troupe ignorante
Du vil et simple peuple ; un homme tout divin
Ne devoit estre esclave aux loix de ton destin.
C’est la France, et non luy, que la Parque meurtriere
A d’un coup si cruel privé de la lumiere.
Or’ que ce plus bel astre en la France ne luit,
Ses beaux jours sont changez en une obscure nuit ;
My-morte, elle n’a plus, de tenebres couverte,
Qu’à peine un peu de voix pour regretter sa perte ;