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Tu donneras, Seigneur, à mon cœur desolé
La joye et la liesse
De mes pechez remis, j’en seray consolé,
Et mes os resjouis, qui tomboyent de tristesse.

Destourne un peu ta face et tes yeux courroucez
De ma faute excessive ;
Ou si tu me veux voir, soyent devant effacez
Tous ces maux, dont l’horreur de ta grace me prive.

Crée un cœur net en moy par ta sainte bonté,
Vray Dieu que je reclame,
Et d’un nouvel esprit, promt à ta volonté,
Inspire ma poictrine et rechange mon ame.

Ne me rejette, helas ! miserable et banny
De ta face amiable,
Et de ton sainct esprit, ton amour infini,
Ne m’oste la conduite et l’appuy secourable.

Ren-moy de ton salut le soulas desiré,
Et d’esprit volontaire
Reigle et soustien mes pas ; j’instruiray l’esgaré,
Radressant les pecheurs au chemin salutaire.

Ô Dieu de mon salut ! absous-moy de l’erreur
Homicide et cruelle ;
Et lors, vrayment touché d’une sainte fureur,
Ma langue annoncera ta justice eternelle.

Seigneur, ouvre ma lèvre, et ma bouche dira
Ta louange sacrée ;
Mon ame, autre victime à tes yeux n’offrira,
L’holocauste aussi bien n’est point ce qui t’agrée.

Le sacrifice à Dieu c’est un cœur tout brisé
Du dueil de son offence ;
Ô Dieu ! jamais de toy n’est le cœur mesprisé,
Qui froissé s’humilie et qui fait penitence.

Las ! Seigneur, à Sion sois doux et gracieux
Par ta volonté sainte,
Afin qu’encore un jour nous voyons de nos yeux
Que ta Hierusalem de murailles soit ceinte.

Lors tu prendras à gré que l’on t’aille immolant
De justes sacrifices,
L’entiere oblation, l’holocauste brulant,
Et qu’on charge l’autel de veaux et de genices.