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À la rigueur ne puny mon erreur,
Et de ton ire esteins la violence.

Tes poignans traits dedans moy sont fichez,
Tes mains me sont contraires,
Toute ma chair est couverte d’ulceres,
Et toute paix fuit devant mes pechez.

Car tant de maux, dont mon ame est coupable,
Vont mon chef surpassant,
Et tout à coup, comme un fardeau pressant,
Chargent mon dos d’un poids insupportable.

De pourriture et de sang tout noircy,
Content mes cicatrices
Pour ma folie, et courbé de mes vices,
Je marche à peine angoisseux et transi.

L’ardeur cuisante, en mes reins allumée,
Les poingt d’elancemens ;
Rien n’est en moy qui soit franc de tourmens,
Lieu n’est entier sur ma chair entamée.

L’affliction m’a du tout rabaissé,
Rien plus ne peut me plaire ;
Las ! je rugis et ne cesse de braire
Les serremens dont mon cœur est pressé.

Tout mon desir s’ouvre devant ta face,
Seigneur, et les regrets
De ce cœur mien ne te sont point secrets ;
Tu sçais ma plainte avant que je la face.

Le cœur me bat de tristesse et d’esmoy,
Ma vigueur est passée ;
De mes deux yeux la clairté m’a laissée,
Ils ne sont plus, mes yeux, avecque moy.

Ceux dont j’ay veu ma fortune suivie,
Me regardent de loin ;
Mes plus prochains me laissent au besoin
Et mes haineux se jettent sur ma vie.

Ils ont semé maint rapport diffamant,
Ceux qui mal me pourchassent ;
Et pour me prendre aux filets qu’ils m’enlassent
Sans fin, desseins sur desseins vont tramant.

Mais, comme un sourd que l’air frapé ne touche,
Je ne leur respons point ;
Je suis muet, quand leur langue me poind,
Toute replique est tarie en ma bouche.

Or pour autant que je n’ay mon recours
Qu’à ta majesté sainte,
Tu respondras aux soupirs de ma plainte,
Seigneur mon Dieu, ma force et mon secours !