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De mille tempestes mondaines
Agitoyent mon foible cerveau.

La mer qui gronde et se courrousse,
Quand maint vent la pousse et repousse,
N’escume point en tant de flots,
Comme je portois dans la teste
Durant l’amoureuse tempeste
D’orageux tourbillons enclos.

Soit qu’on veit la belle lumiere,
Ou soit que la nuict coustumiere
À son tour se vinst presenter,
Jamais ceste rage inhumaine
Ne donnait relasche à ma peine,
Obstinée à me tourmenter.

Mais quoy ? veux-je faire revivre
Tant de morts dont tu me delivre ?
Veux-je me plaindre une autre fois ?
Et par mes accens lamentables
Tascher à rendre pitoyables
Les monts, les rochers et les bois ?

Las ! non ; mais, plein de repentance,
J’en veux perdre la souvenànce,
Et l’avoir tousjours en horreur.
Ô Seigneur ! à qui je m’adresse,
Ne souffre, helas ! que ma jeunesse
Retombe plus en ceste erreur.

Un cœur net en moy renouvelle,
Afin que plus je ne chancelle,
Suivant mon instinct vicieux ;
Et quelque chose que je face,
Baille-moy pour guide la grace,
Qui m’adresse au chemin des cieux.

Fay que mon lut tousjours te sonne,
Fay que mon doigt rien ne fredonne
Que tes œuvres grans et parfaicts ;
Que ma bouche se tienne close,
Si je veux parler d’autre chose
Que de ta gloire et de tes faicts.


PLAINTE


Des abysmes d’ennuis en l’horreur plus extresme,
Sans conseil, sans confort d’autruy, ny de moy-mesme,
(Car, helas ! ma douleur n’en sçauroit recevoir)
Outré d’ame et de corps d’incurables atteintes,