Passer la mer à sec d’une plante legere,
Puis au païs promis par ta grace arriver !
Ou que mon cœur tremblant, que l’orage espouvante,
Sentist comme sainct Pierre au fort de la tourmante,
Quand sa foy desfailloit, de ta main le secours !
Ta bonté par le tans n’est en rien plus petite ;
Sauve donc par ta grace un qui moins le merite,
Et qui durant ses maux n’a qu’à toy son recours.
Tourne un peu devers moy ton regard pitoyable,
Soleil, pere de vie, en qui seul je m’attans ;
Sera de guide à mes sens esgarez et flottans
Par les bancs perilleux du monde miserable.
Purge et guari mon ame, helas ! presque incurable !
Prive mon cœur troublé de desirs inconstans
Et d’espoirs enchanteurs, qui m’ont faict si long-tans
Battre l’air, peindre en l’onde et fonder sur le sable.
Je cognoy bien ma faute et la vay maudissant ;
Mais pour m’en garentir je me trouve impuissant,
Le monde en ses erreurs trop encore m’enserre.
Si l’esprit quelquefois veut s’eslever aux cieux,
Tousjours derriere moy je retourne les yeux,
Comme la femme à Lot ayant quitté sa terre.
Helas ! si tu prens garde aux erreurs que j’ay faites,
Je l’advouë, ô Seigneur ! mon martyre est bien doux ;
Mais si le sang de Christ a satisfaict pour nous,
Tu decoches sur moy trop d’ardentes sagettes.
Que me demandes-tu ? mes œuvres imparfaites,
Au lieu de t’adoucir, aigriront ton courroux ;
Sois-moy donc pitoyable, ô Dieu ! pere de tous,
Car où pourray-je aller si plus tu me rejettes ?
D’esprit triste et confus, de misere accablé,
En horreur à moy-mesme, angoisseux et troublé,
Je me jette à tes piés ; soy-moy doux et propice !
Ne tourne point les yeux sur mes actes pervers,
Ou si tu les veux voir, voy-les teints et couvers
Du beau sang de ton Fils, ma grace et ma justice[1].
- ↑ Traduit d’un sonnet italien de Molza, que nous avons cité dans la préface de ce volume.