Page:Œuvres de Philippe Desportes (éd. 1858).djvu/590

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Tens moy la main, sauve moy du danger,
Qui m’est prochain par ce cruel orage.


PARAPHRASE


SUR LE LIBERA ME, DOMINE, DE MORTE ÆTERNA.


Delivre moy, Seigneur, de la mort éternelle,
Et regarde en pitié mon ame criminelle,
Languissante, estonnée et tremblante d’effroy ;
Cache-la sous ton aile au jour espouvantable,
Quand la terre et les cieux s’enfuiront devant toy,
En te voyant si grand, si saint, si redoutable,

Au jour que tu viendras en ta majesté sainte,
Pour juger ce grand tout, qui fremira de crainte,
Le repurgeant de neuf par tes feux allumez.
Ô jour, jour plein d’horreur, plein d’ire et de miseres,
De cris, d’ennuis, de plaints, de soupirs enflammez,
De grincemens de dents et de larmes ameres !

Las ! j’en tremble en moy mesme, et la crainte assemblée,
Qui se campe en mon cœur, rend mon ame troublée,
Ma force esvanouye et mon sang tout gelé ;
Le poil dessus mon chef horriblement se dresse,
Et mon esprit de crainte est si fort desolé
Que je n’ose crier, au fort de ma tristesse.

Les anges fremiront au regard de ta face ;
Helas ! où pourront donc les meschans trouver place ?
Où se pourront cacher ceux qui sont reprouvez ?
Où faudra-t-il, Seigneur, que lors je me retire,
Si les justes seront à grand’peine sauvez,
Miserable pecheur, pour appaiser ton ire ?

Que diray-je ? ô chetif ! que me faudra-t-il faire ?
Je ne trouveray rien qui ne me soit contraire
Je verray mon peché s’elever contre moy.
Mon juge est juste et saint, je suis plein d’injustice.
Helas ! je suis rebelle ! et je verray mon roy,
Mon roy clair et luisant, et moy noircy de vice.

Une bruyante voix, tout par-tout espandue,
Est du plus haut des cieux en la terre entendue :
« Ô vous ! morts ! qui gisez nourriture des vers,
Laissez les monumens, reprenez la lumiere,
Nostre grand Dieu se sied pour juger l’univers :
Accourez et oyez la sentence derniere, »

Ô Seigneur, dont la main toutes choses enserre,
Pere eternel de tout, qui m’as formé de terre,