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Qui tient en main l’orage et la tempeste ;
Car mon peché, qui le rend courroucé,
Merite bien que son foudre eslancé
En mille esclats me partisse la teste.

Cachons-nous donc, mais où pourray-je aller,
Au ciel, en l’onde, en la terre ou en l’air,
Ô Seigneur Dieu, pour éviter ta face ?
Si je me cache en l’obscur de la nuit,
Ton œil divin par les ombres reluit,
Et tout soudain remarquera ma trace.

D’aller au ciel, tu es là presidant ;
Il vaut donc mieux fuïr en descendant
Et me musser au plus creux de la terre.
Mais ce seroit redoubler mon tourment,
Car aux enfers tu as commandement,
Et jusques là tu me feras la guerre.

Soit que je veille ou que je sois couché,
Rien que je fasse, helas ! ne t’est caché ;
Tu me descouvre et cognois ma pensée.
Veux-je fuïr, tu me viens attraper,
Et, pour courir, je ne puis eschapper
Devant ta main justement courroucée.

Ne pouvant donc ta fureur éviter,
J’ose, ô mon Dieu ! j’ose me presenter,
Palle et tremblant, à ta majesté sainte,
La veuë en bas mille pleurs degoutant,
L’ame debile et le cœur tout battant
Dans ma poitrine horriblement attainte.

Darde sur moy la fureur de ton bras,
Saccage moy, fais ce que tu voudras,
Lance du ciel ta flamme estincelante ;
Je sçay, Seigneur, que je l’ay merité,
Et plus encor pour mon iniquité,
Qui sans cesser devant moy se presente.

Tu peux, helas ! tu peux me foudroyer :
Mais que te sert de ta main desployer
Encontre moy, qui ne suis rien que poudre ?
Tu es tout grand, tout juste et tout puissant ;
Je ne suis rien ; et, en me punissant,
Tu pers, Seigneur, et ta peine et ton foudre.

Me chastiant, tu te rens poursuivant
Contre un festu qui est poussé du vent ;
Tu veux monstrer ta force à un ombrage,
À un corps mort, à un bois desseiché,
À un bouton qui languit tout panché,
Et au bouillon enflé sur le rivage.