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Aussi ton ire est trop pesante ;
Haste-toy donc pour mon confort,
Ou souffre mes cris pitoyables,
Ains que j’aille aux lieux effroyables
D’horreurs, de silence et de mort.

Le ver, avorton de la terre,
Se rebecque alors qu’on le serre,
Pousse d’un naturel devoir :
Et moy, portraict de ton image,
Quand ton pié me foule et m’outrage,
N’oseroy-je un peu m’esmouvoir ?

Entens moy donc quand je te prie,
Respons alors que je m’escrie,
Monstre moy quels sont mes pechez :
Et si l’erreur de ma jeunesse
Merite la grande rudesse
Des traits contre moy decochez.

Si ta vengeance est trop petite,
Puny moy selon mon merite,
Seigneur, ne me pardonne rien ;
Hausse ta main rouge de foudre,
Et reduy tous mes os en poudre,
Je n’attens point de plus grand bien.

Ou si dans ta poitrine sainte
La pitié n’est du tout estainte,
Sauve l’ouvrage de tes mains ;
Ta force m’est assez connue,
Et ma passion continue
Sert de crainte à tous les humains.

Ta beauté luira davantage,
Gardant le pecheur qui t’outrage,
Et le retirant du trespas,
Qu’à guarir le petit ulcere
D’un que ton secours salutaire
Jamais n’abandonne d’un pas.


PRIERE


Las ! que feray-je ? oseray-je hausser
Les yeux au ciel, pour mon cri t’adresser,
Durant la peur qui mon ame environne ?
Je suis confus, tout le sens me defaut,
Mon œil se trouble, et mon cœur qui tressaut
Me fait trembler, tant mon forfait m’estonne !

Je veux fuïr, je veux fuïr devant
L’ardent courroux de ce grand Dieu vivant,